Cécilia Gabizon:
De plus en plus de détenus tentés par l’islamisme radicalLe Figaro, 02/05/2005.
Dans les cellules, les affiches de Ben Laden ont fleuri. Des sapins de Noël sont maintenant saccagés, des bibles détruites par des prisonniers. Un islam hostile à l’Occident, aux Français en général, aux juifs en particulier, se propage dans les établissements pénitentiaires, signalent les Renseignements généraux dans un rapport que Le Figaro a pu consulter.Au contact des terroristes islamistes incarcérés, des prisonniers de droit commun, souvent jeunes, s’initient à cet islam radical : une jonction périlleuse entre petits délinquants, braqueurs et extrémistes musulmans, qui
«constitue une bombe à retardement à la sortie de prison», mettent en garde les policiers.
Le prosélytisme des prêcheurs enflammés fonctionne d’autant plus facilement que, autour,
les voix religieuses autorisées font cruellement défaut pour contrer ces dérives. L’administration pénitentiaire ne compte que 77 aumôniers musulmans — dont 28 indemnisés — qui interviennent dans une soixantaine d’établissements sur 180 : une présence nettement insuffisante, voire dérisoire en regard des 482 ministres du culte catholique alors que la part des détenus musulmans ne cesse de croître. Pour rattraper ce retard, le ministère de la justice a débloqué des fonds et prévu d’engager d’ici à deux semaines un aumônier général des prisons musulman. Le Conseil français du culte musulman (CFCM) doit arrêter son choix aujourd’hui, probablement parmi les deux ou trois aumôniers déjà remarqués pour leur travail dans les régions. Ensuite, l’homme, nommé à vie, devra désigner dix aumôniers régionaux pour organiser le service.
Il faudra cependant vaincre les réticences d’imams qui, jusqu’à présent, n’ont guère souhaité intervenir, «estimant que les musulmans en prison n’ont pas respecté la religion et ne méritent pas leur attention», comme l’indiquent les Renseignements généraux. De plus, la rémunération est faible (800 euros net pour un plein temps), ce qui décourage nombre d’éventuels candidats.
Or, le temps presse.
La contestation des règles communes de la prison gagne du terrain. Des détenus refusent parfois d’obéir au personnel féminin, notent les RG. Ou encore de partager la cellule d’un non-musulman. Certains ne veulent plus se doucher nus. Les demandes de prières collectives se généralisent, pétitions à l’appui, souvent suscitées par les 90 détenus emprisonnés pour terrorisme. Moins surveillés, une bonne centaine de droits communs se font les chantres d’un islam plus contestataire que pieux, saluent par des cris de joie la mort d’un soldat américain ou un attentat suicide du Hamas, détaille encore le rapport des RG. Car l’islam salafiste qui se propage allie rigorisme et, pour certains, «lutte contre les mécréants».
Le ministère de l’Intérieur surveille de près ces connexions entre délinquants et terroristes pour prévenir la constitution de réseaux. C’est même l’une des priorités de Dominique de Villepin pour lutter contre l’islam radical. Car la
«collusion entre le monde du crime et certains islamistes est de plus en plus fréquente», reconnaissent les policiers.
L’administration pénitentiaire est également mobilisée. Elle tente pour sa part d’isoler les islamistes notoires et refuse obstinément les prières collectives «sans ministre du culte», ce qu’a validé le tribunal administratif. La règle est plus floue pour la nourriture hallal, réclamée dans tous les établissements. Elle est parfois servie aux repas et généralement disponible dans les magasins des prisons. Le porc est rare mais présent : il est de nouveau au menu à Fleury-Mérogis (Essonne) où un directeur l’avait un temps proscrit, sous la pression des détenus. Enfin, les demandes d’aménagements d’horaires pour le ramadan augmentent mais, en réalité, moins de 10% des détenus respectent vraiment le jeûne sur la durée. A charge pour les nouveaux aumôniers musulmans de démêler, dans ces revendications, la révolte de la demande spirituelle.